La traduction du texte en anglais: Le cinéma est né en 1895. En 2015, son dispositif original n’est plus parmi nous, ainsi va le monde, une technique meurt, une autre apparaît : « la mort assurément est la jeunesse du monde »1. Ma recherche prend place dans un moment de transition puisque je commence mon travail sur le cinéma en 1990 et que je commence à le montrer en 1992. C’est en 1993, à Washington (USA), que j’initie une série de photographies montrant des photogrammes de film corrodées par le temps, les conditions de stockage. Deux ans après je les expose au MoMA de New-York. Depuis lors, je visionne des films dans les cinémathèques occidentales et les collections privées, prélève des images « décomposées » sans les retoucher. Je choisis celles, rares et improbables, où l’empreinte du temps dialogue avec l’image de telle façon qu’il devient parfois difficile de savoir où s’arrête l’image proprement dite et où commence le travail de sa destruction. Jean Cocteau disait que le cinéma filmait « la mort au travail ». Il m’a paru intéressant de repérer ce travail de la mort au sein même du medium, dans la couche matérielle et invisible qui nous permet d’y avoir accès : la pellicule. C’est avec une longue patience que j’ai été conduit à parcourir le cinéma en tout sens (voir un long-métrage image par image prend 15 jours à raison de 8h/Jour), à réfléchir sur la précarité des archives de film, leur support, leur conditions d’apparition, et de disparition (j’étais loin de penser que la pellicule elle-même disparaitrait !). Que des figures et des lieux filmés depuis un siècle puissent refaire surface sous un autre visage et en d’autres temps n’est pas fait pour me déplaire. Que j’ai pu fixer leur rencontre hasardeuse avec les maladies qui affectent leur support me satisfait pleinement. Que ces images aient une beauté, une étrangeté et une force est de surcroit : la grâce tombe où elle veut.